Apprendre à parler, à courir, à compter, à écrire, mais surtout à se faire confiance! Ou le sens de l’initiative!
Pour cette série de trois billets en collaboration avec Un Autre Blogue de Maman et Naissance Renaissance Estrie, j’avais envie de poursuivre sur ma lancée en rebondissant sur les bienfaits de jouer dehors… Parce que jouer dehors c’est aussi apprendre à se faire confiance. Par la prise de risques, les enfants développent un tout autre aspect de leur personne que ceux qu’on leur enseigne au service de garde ou en classe.
Même si, selon le programme éducatif qui guide nos interventions auprès des tout-petits, les intervenants s’intéressent aux cinq dimensions du développement des enfants, il n’en reste pas moins qu’un élément en particulier se trouve de plus en plus négligé. Je parle ici de la notion de prise de risque et des conséquences positives qu’elle implique.
En effet, je suis de celles qui croient que l’autonomie (dans le sens de devenir un adulte heureux et épanoui capable de relever des défis et de trouver des solutions innovantes à ses problèmes) s’acquiert davantage lorsque des occasions d’expérimenter, de se tromper, de traverser diverses émotions se présentent. L’enseignement systématique de façons de faire bien précises et ordonnées n’est qu’un volet et s’avère, selon moi, moins efficace.
Je ne sais pas si ça vous parle en ce moment, mais moi, je trouve que nous avons vécu un MÉGA VIRAGE allant dans ce sens au cours des dernières décennies. Et vous me voyez tellement heureuse de constater que la tendance se renverse peu à peu. Nous sommes témoins d’un nombre grandissant d’initiatives qui tentent (et réussissent souvent) de sortir de ce cadre proposé et presque imposé dans le domaine éducatif. Je suis de la première génération de garderie et, d’après mes souvenirs, l’environnement était totalement différent de ceux que nous pouvons proposer en fonctions des normes ministérielles au niveau de la santé et de la sécurité.
En 1977, à la garderie Chez les amis de Sherbrooke, il y avait un module en bois que tous les enfants, de 12 mois à 5 ans, utilisaient selon les défis du moment. Ceci n’est qu’un exemple, mais je trouve qu’il illustre parfaitement cette notion de risques que les intervenants laissaient prendre aux enfants pour les bienfaits de leur développement et au risque d’une blessure potentielle qui ne survenait pratiquement jamais. Parce qu’en plus de s’aventurer dans le module et d’y relever d’innombrables défis moteurs, les petits amis développaient tout un système d’organisation qui les amenaient à accroître leur capacité d’observation, d’entraide et de collaboration!
Avant de poursuivre, j’aimerais m’accorder une petite montée de lait idéologique… Dans les milieux éducatifs de la petite enfance, tous nos environnements de jeux sont maintenant normés en fonction de critères extrêmement rigoureux qui ont été imposés à la suite d’un cas de ci ou un cas de ça… Est-ce qu’on a arrêté de nourrir les enfants parce qu’il y a eu des cas d’étouffement? La réponse est non, évidemment! Pourtant, toutes les branches basses des arbres de nos aires de jeux (quand il y a des arbres) sont obligatoirement coupées pour éviter les risques de chute (!?!).
Dans La Presse du 8 mai 2017, Richard Louv, auteur de Last Child In The Woods, explique « qu’un enfant qui ne prend jamais de risques raisonnables a de fortes chances de ne pas savoir reconnaître ou faire face à des menaces plus importantes en vieillissant. » En ce sens, les adultes ont un rôle important à jouer afin de superviser ces prises de risques. Ils doivent évaluer le niveau de danger et les probabilités, demeurer disponibles, être conscients de leur propres peurs (pour éviter le transfert), proposer des outils et des stratégies pour faire face au « danger », réseauter, c’est-à-dire entretenir un réseau de voisinage bienveillant…
Comme dans pas mal tous les aspects de l’éducation des enfants, je crois et j’encourage la prévention. Tout en prenant soin de ne pas inculquer nos propres peurs aux tout-petits, la prévention sert à limiter les risques lorsque nous leur permettons de prendre des initiatives. On profite alors d’un temps d’échange pour observer ensemble l’environnement et identifier les risques potentiels et les règles de bases qui préviendront les incidents malheureux.
Ce petit moment essentiel vous permettra d’accompagner (à distance) et d’observer vos cocos dans leurs découvertes en ne faisant que des petits rappels occasionnels qu’ils comprendront tout de suite, car ils seront capables de faire référence à l’échange qui aura précédé l’exploration. Vous vous éviterez donc des réactions et des interventions à caractère urgent et énervant portées par la peur!
Dernièrement, je suis tombée sur une nouvelle qui m’a profondément réjouie! Il s’agit d’une initiative de Marie-Pierre Lajoie dans sa garderie en milieu familial Les Petits Pois à Limoilou. Grâce à un partenariat avec le Domaine Maizevets qui lui ouvre son parc de 27 hectares, les enfants de son service de garde passent une à deux journées par semaine en pleine nature, et ce, beau temps mauvais temps.
« À la forêt du domaine, il y a une biodiversité qu’on ne trouve pas en ville, explique Marie-Pierre. Le fait que ce ne soit pas aménagé, c’est magique. Les enfants développent leurs capacités et leur curiosité et apprennent à se faire confiance. »
Tout comme Marie-Pierre, l’instigatrice de ce beau projet, je me rappelle ma tendre enfance où nous étions libres d’explorer nos sous-bois et d’inventer nos jeux dans cet environnement complètement préservé de l’ordre et de l’organisation humaine. C’est ce que nous avons recréé avec notre verger éducatif en permaculture chez Hibouge et Bilingo!
Tout cette théorie est bien belle, vous allez me dire, mais concrètement, on fait quoi avec nos enfants pour leur permettre de prendre des « risques raisonnables »?
Tout d’abord, on peut commencer pas éliminer certaines phrases de notre vocabulaire comme : « Attention, tu vas tomber! » Ou encore : « Ne fais pas ça avec ton bâton, ça ne sert pas à ça un bâton! »
On travaille plutôt sur la prévention en identifiant les risques potentiels de l’environnement à explorer. Attention si on croit avoir un mini particulièrement téméraire (qui a une moins bonne conscience du danger), on met doublement l’accent sur les éléments de prévention et on utilise des techniques de reformulation afin de nous assurer de sa compréhension. On lui demandera, par exemple, de redire dans ses mots ce qu’on vient d’expliquer.
Donc, lorsqu’on décide de faire une balade en forêt dans des sentiers balisés, on a évidemment à expliquer les limites possibles de l’exploration, car il s’agit très souvent de zones écologiques protégées (ce qui veut dire qu’on ne peut pas sortir des sentiers). On trouve toutefois des roches et des rochers, des branches et des feuilles sur notre parcours. Sera-t-on capable de laisser notre petit explorateur s’élancer sur le rocher et y exercer son sens de l’équilibre comme un brave chevalier? De grâce, laissons-le faire! Restons tout simplement près de lui afin de récupérer un faux mouvement ou une peur soudaine. Disons-nous que s’il y est monté, c’est qu’il en est capable!
Le jeu libre me fait penser à ma sœur et sa petite tribu qui, chaque été, vont faire le plein de nature et d’énergie en canot-camping. Regardez les photos qui suivent. Vous verrez très bien que des éléments de sécurité font partie de la notion de prise de risque.
« Dans une activité comme le canot camping, il n’y a pas de sentiers balisés. Nous avons accès à toute la nature. Il est important pour nous d’échanger avec nos enfants sur l’importance de la préservation de la nature et du respect de l’environnement. Nous tenons à ne laisser aucune trace de notre passage sur les sites afin que les suivants puissent découvrir la même nature que celle qui nous a accueillis », me raconte ma sœur. Elle poursuit en m’expliquant que : « Nos enfants savent qu’ils ont le droit de courir en descendant la montagne, mais pas avec un bâton dans les mains. Nous sommes prêts à vivre avec la possibilité d’une chute et de quelques égratignures, mais pas avec celle d’une perforation! ».
Élyse Gagnon-Pelletier
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