La réponse d’Elyse (ou le droit de ne rien faire…)

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Très chère Pascale,

J’ai, moi aussi, une relation amour-haine avec mon téléphone, avec celui de mon conjoint ET celui de mes enfants! On dirait qu’il y en a toujours un qui sonne ou qui annonce un nouveau texto! À la maison, on a instauré une règle. Il y a des temps où tous les bidules sont sur le comptoir avec interdiction d’y toucher. Cela nous permet de préserver nos moments sacrés comme les heures de repas. Nous avons décidé qu’il n’existait pas plus grande urgence que celle de vivre ces moments de qualité. Nous avons des boites vocales après tout!

Pour entrer dans le vif du sujet, oui les journées à la garderie sont riches en stimulations, échanges, négociations, apprentissages, etc. Et même si on déploie tout notre savoir-faire et notre matière grise afin de créer un environnement favorable au développement harmonieux des enfants, qu’on met en place des programmes pédagogiques qui permettent ceci ou cela comme la répartition des stimuli proposée chez Hibouge et Bilingo, les routines et les transitions que doivent vivre les enfants au cours de leur journée en service de garde sont énergivores.

Ils sont constamment en situation d’adaptation, car il serait faux de prétendre que ce rythme correspond parfaitement aux besoins du moment de chacun des enfants. L’enfant est un excellent collaborateur et arrive à suivre tout ça avec joie et entrain! Mais il y laissera une bonne partie de sa réserve d’énergie quotidienne! De là l’importance d’avoir des temps plus «relaxe» qui permettront de recharger les batteries! Je suis donc d’avis que, tout comme nous, les enfants ont besoin de juste-rien-faire! De ne pas être organisés, de pouvoir laisser libre cours à l’inspiration du moment!

Et oui, le fait de placer l’enfant devant un certain «vide organisationnel» est plus que bénéfique! Parce qu’ils sont placés devant le fait d’avoir à combler ce vide eux-mêmes à leur façon, selon leur état, leurs intérêts, leurs idées, leur créativité. Sans règles, sans consignes, sans grande structure! Il n’y a pas une seule façon d’apprendre quelque chose. Le même apprentissage peut se faire de plusieurs façons en respectant l’unicité de chacun, c’est-à-dire, ses champs d’intérêts et son propre rythme de développement.

Un ami spécialiste de la petite enfance me parlait dernièrement d’une recherche fabuleuse qui a contribué à mettre de l’avant l’importance de ces temps libres et sans structure. Les expériences menées ont permis de révéler au grand jour la force créative des enfants. L’expérience en question consistait à inviter un groupe d’enfants et leur éducatrice à passer un moment de journée dans une pièce complètement vide baptisée « la salle de rien »! Paraîtrait que le groupe d’enfants n’a vécu que quelques petites minutes de déstabilisation. Ils ont très rapidement construit une cellule formidable d’organisation où la créativité et la collaboration ont laissé place à un plaisir immense. Et ce, sans aucune intervention de l’adulte! Paraîtrait aussi que, par la suite, les enfants demandaient tous les jours de retourner dans ce local!

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Mais, est-ce que ne rien faire doit obligatoirement tomber dans cet extrême? Bien sûr que non. Ne rien faire peut aussi vouloir dire prendre un grand plaisir à faire des petites choses de la vie, partager des beaux moments-rituels comme aller choisir des croissants à la boulangerie parce que c’est dimanche matin.

J’aime beaucoup ta question : « Qu’est-ce qu’on pourrait faire pour consolider votre travail, vos échanges? Question de prioriser, tsé? »

J’ai spontanément envie de te répondre par une autre question : « Mais qu’est-ce que l’apprentissage au juste? »

Cette question reflète plus une perspective d’adulte qu’un besoin d’enfant. L’enfant est le premier agent de son développement et il apprend par le jeu! Voilà deux des prémisses qui guident nos interventions en petite enfance. Rassure-toi, Pascale, c’est aussi vrai chez toi qu’à la garderie! Le cadre que nous imposons au quotidien a un objectif organisationnel parce que nous avons en tête l’ensemble de ce qui doit être accompli pour que tout fonctionne au niveau de la bulle maison-travail-école-garderie-famille. Honnêtement, faisons-nous de grands apprentissages lorsqu’on fait des courses, le ménage, etc.?

Personnellement, je suis plus en mode automatique que créatif lorsque je fais les tâches ménagères. Il en est de même pour nos tout-petits. Les activités dirigées leur permettent surtout de comprendre les règles sociales comme attendre son tour, partager, etc.  Les grandes découvertes d’où seront tirés les apprentissages se feront beaucoup plus lors d’expérimentations pendant lesquelles les enfants seront absorbés et pleinement investis.

Tu me fais bien rire avec ta « non-rentabilité des interventions parentales »! J’ai envie de te dire simplement que c’est justement TA relation parentale AVEC ton enfant qui sera le plus profitable, le plus rentable à long terme et non tout ce que tu auras imaginé pour occuper cette relation.

Ce que je veux dire c’est que c’est la qualité des échanges relationnels et affectifs, la cohérence et la stabilité de ces échanges qui constitueront un cadre sécurisant à l’intérieur duquel ton enfant sentira cette confiance et ce droit d’explorer pour construire sa personne, sa personnalité.

Maintenant, c’est à toi de déterminer comment tu souhaites installer ce cadre, car il sera le reflet de tes valeurs et de tes priorités.  Tu peux donc choisir les cours de natation ou choisir de ne rien faire du tout! Ce qui importe le plus, c’est que tu sois en harmonie avec tes décisions, car ton enfant est passé maître dans l’art de détecter les incohérences et les sentiments de culpabilité qui lui donneront un double message un peu déroutant et insécurisant.

En terminant, toutes tes lectures au sujet de l’importance du jeu libre ne t’ont pas induite en erreur. Le jeu libre tout comme les vacances sont essentiels au développement harmonieux de nos enfants. La rentabilité éducationnelle est un concept moderne. On veut tout optimiser, être efficace. Je t’invite à mettre ce concept de côté le plus souvent possible et de te laisser porter par cette liberté qui t’appelle et qui résonne en toi.

Si E=MC2, Jeux libres=enfants épanouis!

Salutations chaleureuses et au plaisir de te lire bientôt!

Elyse

À LIRE, sur le même sujet : L’enfant qui s’ennuie sur Naître et Grandir!

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Élyse Gagnon-Pelletier

Élyse Gagnon-Pelletier

Directrice chez Hibouge et Bilingo
Détentrice d'un baccalauréat multidisciplinaire axé sur l'éducation à l'enfance, la psychologie, l'enseignement aux adultes et l'accompagnement, on peut dire qu'Elyse est une femme passionnée et très active! Mais elle l’est encore plus quand on lui demande de partager les expériences qu’elle a vécues dans les milieux de garde, un bagage extraordinaire qu’elle accumule depuis plus de 20 ans. Elle est maintenant fière d’être copropriétaire et directrice générale de la Garderie Maternelle Hibouge et Bilingo, une fierté qu’elle considère pas mal proche de celle d’être maman de ses deux grands amours. Ce projet de service de garde innovateur et à vocation particulière représente le fruit de toute son expérience et de bien des réflexions en lien avec les besoins développementaux des enfants en milieu de garde. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de la Garderie Maternelle Hibouge et Bilingo!
Élyse Gagnon-Pelletier

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